Vins de Sancerre

Edito de Didier Lagedamon

La vigne dans les gènes

Symbole d'une vérité de tout un territoire, le piton s'est façonné l'image d'un phare identitaire. Quels que soient les choix stratégiques de chacun, il a su cimenter des générations de vignerons. La famille, ici, revêt tout son sens. A l'image de des frères qui, l'an dernier, vendangeaient encore ensemble, pour la cinquante-deuxième fois. La vigne est bien inscrite dans les gènes.

Des siècles durant, de grandes lignées de vignerons se sont trouvées au coeur d'un combat prédestiné à l'avènement de l'appellation. A la force du poignet, ils surmontent l'épreuve du phylloxéra, tracent leur destinée en plantant des hectares de sauvignon. En allant hisser leur drapeau au pied de la Tour Eiffel, ces pionniers prennent alors les devants. Ici, nécessité fait loi. En eux, ces visionnaires ont cette confiance puisée dans la force d'un collectif hors du commun.

Désormais, plus de trois cents vignerons jouent leur partition sur trois mille hectares de surface. Nombre d'entre eux ont hérité de ce mental d'acier. Certains n'hésitent pas à partir à l'autre bout de la planète se faire un nom. Ces soixante dernières années, le sancerre a connu un développement inespéré. Vingt-quatre millions de bouteilles sortent, par an, de ce sol exceptionnel et, pour autant, si différent d'un hectare à l'autre. Il y en a pour tous les goûts. Six flacons sur dix s'envolent à l'étranger. Américains, Anglais et Européens du nord en redemandent.

Le sancerre est devenu une mine d'or. La relève sait sur quoi elle est assise. A elle maintenant d'ouvrir de nouvelles voies. Tour à tour, elle se prépare à relever le gant, se forme dans les meilleures écoles ; avec anglais, première langue. En bout de ligne de production, il n'est plus question de volume mais de qualité. Ainsi va l'excellence.

Quant à perpétuer le devoir de mémoire, la nouvelle vague devra aussi savoir garder la tête froide. Devant le prix du foncier, ne jamais céder un pouce aux sirènes de la finance. C'est à ce prix que le conte des milles et un sancerres continuera à s'écrire. A se transmettre, invariablement. De génération en génération.